
Cet article est né pour deux raisons. La première est que j’entends souvent des échos négatifs, selon moi erronés, concernant la programmation culturelle de la ville. La seconde est due au constat d’un grand manque de visibilité et de communication de cette dernière. Ainsi, j’ai à cœur de la mettre en lumière et de souligner le travail effectué par l’équipe dédiée pour faire vivre une diversité artistique de qualité au sein d’une ville de taille moyenne dont la politique culturelle, il faut être lucide, ne semble pas une priorité. J’ai donc rencontré le directeur de la programmation pour Montélimar-Agglomération avec qui j’ai longuement échangé sur sa conception de la programmation culturelle, sur le lieu la recevant et sur l’articulation de sa saison à Montélimar.
L’homme
Une programmation culturelle de ville est une volonté politique, elle se doit donc d’être objective et diverse afin de plaire à la majorité des administrés. Cependant, une saison culturelle est inévitablement influencée par celui qui la met en œuvre. A Montélimar, il s’agit du chaleureux et prolixe Frédéric Lévèque qui depuis 17 ans est en charge de créer une programmation d’environ 24 spectacles par saison. Il se donne comme ligne de conduite de proposer une offre diversifiée composée de spectacles honnêtes et de qualité.
Cet homme sait se faire discret ; vous remarquerez que son nom apparaît rarement et s’efface même devant ceux des élus, que ce soit dans la plaquette de la saison, dans la presse ou dans les documents officiels. Il n’a pas d’égo, bien qu’au début il ait été difficile de ne pas voir apparaître son nom. Il affirme qu’il travaille dans un milieu où « la modestie est un défaut », mais au fil du temps il a appris où était sa place, et ce n’est certainement pas sur un bout de papier, mais dans sa salle de spectacle auprès du public et des artistes. Avec ses yeux rieurs et son regard malicieux, il affirme que ce qui le fait vibrer est d’être au contact des spectateurs, de les écouter, de les conseiller. Vous le trouverez donc à sa place, chaque soir de spectacle, dans l’Auditorium. C’est un rituel auquel il ne dérogerait pas. Certes il reçoit des critiques de spectateurs mécontents, mais aussi l’inverse, et c’est le meilleur endroit pour sonder les retours du public. Bien qu’il y ait plusieurs aspects pour lesquels, malheureusement, il est impuissant, comme les lacunes en communication ou dans l’action culturelle, il jouit d’une grande liberté de programmation.
Frédéric Leveque se définit comme un littéraire et un mélomane, c’est cela qui fait son identité. Il se destinait à être professeur de français et formateur professionnel. Puis de fil en aiguille il s’est retrouvé, entre autre, au secteur évènementiel d’une ville, chargé des politiques publiques d’une autre et directeur de théâtre à Avignon. En 2000, il est devenu contractuel de la fonction publique territoriale en charge de la programmation de la saison culturelle de la ville de Montélimar. Auparavant, il ne restait guère plus que 3 ans dans ses fonctions, à Montélimar il a explosé les conteurs : 17 ans ! Faut-il que ce métier lui plaise car monsieur Leveque n’est pas Montilien (rhoooo le traitre !) et avale quotidiennement les 150 kilomètres qui le séparent de son domicile ! Ce personnage jovial mais aussi un peu têtu s’interdit de ne pas programmer des choses qu’il n’aime pas mais qui plairont au public. Il est mandaté pour faire du tout public. Il veille à trois facteurs : la qualité artistique, l’adaptation au lieu et l’originalité.
Il assume la totalité de ses choix et si vous n’êtes pas satisfait, allez le lui dire à la sortie du spectacle en question ! Il vous accueillera avec sa bonhommie et sa franchise naturelle.
Finalement, affirme-t-il avec réalisme, « je ne prends pas de risque réel, juste celui de me planter et de me faire virer ! »
Le lieu
« On est révolutionnaire ici ! », on fait les choses à l’envers, à savoir que lorsqu’Emile Loubet fait construire le théâtre, celui-ci dénote de tous les projets alors en construction. En effet, ce théâtre se trouve hors des remparts de la ville avec sa façade principale au nord ! 100 ans après on réinstalle le théâtre dans l’hyper centre avec l’Auditorium Michel Petrucciani. Aujourd’hui, alors que la tendance est à construire des espaces culturels en périphérie des villes, la programmation culturelle de la ville va réinvestir le théâtre construit par Emile Loubet qui se trouve maintenant dans le cœur de la ville !
Depuis les années 2000, le centre a beaucoup changé et a malheureusement vu la mort de beaucoup de lieux de vie comme des restaurants et des bars. Afin d’y remédier et de ramener une population culturellement engagée, le centre Gérard Philippe en plein centre ville avait été rénové pour devenir l’Auditorium Michel Pettrucciani, d’une jauge de 430 places. Une réflexion s’était d’ailleurs engagée sur la création de rues culturelles avec la présence de galeries, d’artistes, de compagnies. Cela n’a pas vu le jour … La programmation culturelle de la ville se faisait alors dans deux lieux, l’Auditorium et le théâtre d’Emile Loubet ; et ceux jusqu’en 2006, date à laquelle les pompiers ferment ce dernier car il n’est plus conforme aux normes d’accueil du public. La saison culturelle 2019-2020 marquera la dernière de l’Auditorium puisque la réhabilitation du théâtre originel d’Emile Loubet est en cours. La programmation se concentrera alors dans un seul lieu, l’Auditorium Michel Petrucciani ayant pour vocation d’être transformé en logements. Frédéric Leveque est triste de quitter un lieu qu’il a ouvert et déplore le fait que les lieux culturels désertent la ville, mais il voit du positif dans ce déplacement car sa saison bénéficiera d’une bien meilleure visibilité, d’une meilleure l’accessibilité du public et d’une meilleure technicité. La salle également plus adaptée, permettra de développer la programmation de formes artistiques qui n’étaient pas envisageables dans la configuration de l’Auditorium.
Le budget alloué à la saison culturelle est resté stable, il a baissé de 3% ces dernières années à cause des différentes restrictions budgétaires. Cette baisse est anecdotique si on la compare aux coupures drastiques qui ont actuellement lieu dans le secteur culturel, ce qui est louable pour la ville.
Une saison culturelle à Montélimar
« On est là pour ouvrir les esprits, créer des moments d’émotion et de rêve. Le spectacle rassemble, lorsque l’on imagine l’effort de chacun pour que cela se passe et principalement l’effort personnel du spectateur qui a décidé de ressortir le soir pour assister à un spectacle. C’est un cadeau ! C’est la magie, le miracle du spectacle vivant. » Frédéric Leveque continue en affirmant qu’un lieu culturel est incontournable dans une ville et qu’il participe à son rayonnement. Une saison culturelle se doit d’éveiller, de réveiller, de bousculer, de questionner et de favoriser le vivre ensemble. C’est un investissement de l’argent public sur le développement de la qualité de vie.
C’est forcément très subjectif de faire de la programmation, il faut savoir doser, être précurseur mais pas trop pour s’adapter à la réalité du terrain. Ici elle est montilienne avec un bassin d’environ 40 000 habitants, mais le directeur assure qu’il n’y a pas de spectateur montilien type, il y a plusieurs types selon les genres proposés. L’objectif n’est pas que la salle soit pleine, mais de fidéliser les spectateurs. Ainsi les abonnements augmentent petit à petit, on en compte pour cette saison 1100. Aujourd’hui la moyenne du taux de remplissage est de 91%, ce qui confirme la réceptivité du public pour la programmation proposée.
Des choix ont été faits notamment avec la danse contemporaine et la musique classique. Le public n’ayant pas été au rendez-vous, le directeur propose des spectacles pluridisciplinaires comme par exemple celui de Franito, le 21 mars 2018, où la danse est représentée en même temps que la comédie. Ce sera la même chose avec Un poyo rojo, le 17 novembre, qui intègrera la danse, la musique et des techniques circassiennes.
La montilienne et la saison culturelle
Si j’ai écris cet article c’est que j’aime la saison culturelle de ma ville, elle est diversifiée (théâtre classique, musique du monde, comédie…) et j’y ai apprécié des spectacles de qualité et découvert des petites pépites comme le subtil et intelligent acteur Patrice Thibaut que je retrouverait avec plaisir dans Franito en mars prochain. Le travail de programmation est à taille humaine, il est sincère, ce qui aide à ne pas voir tout ce qui manque !
Des points négatifs, il y en a et ils sont partagés et déplorés par Frédérique Leveque lui-même ! Une très mauvaise communication aussi bien papier que web. Les techniques en marketing web permettraient une approche sociale plus forte et un meilleur impact sur la jeunesse qui se sent délaissée car elle n’a pas de lieu dédié. Mais ce sont des questions de budget et de priorité …
Je pourrais aussi déplorer le peu d’action culturelle comme des rencontres en périphérie des spectacles et le fait que la ville va encore prendre un sacré coup lors de la fermeture de l’Auditorium… Mais je suis ravie que la saison culturelle revienne dans son écrin initial qui, par son emplacement, pourrait offrir de réels avantages et placer la culture plus au centre, littéralement, des préoccupations des montiliens.
On se retrouve donc vendredi pour le spectacle Euphorique de Bruno Salomone mis en scène par le talentueux Gabor Rassov ? Attention, je vous invite à téléphoner avant car ce spectacle semble se remplir rapidement !
La montilienne
Bonjour Anne-Cécile,
Je ne réside par à Montélimar, mais tes articles me donnent envie d’y aller faire un petit tour 🙂
Très belle initiative 🙂
Wilfried
Merci Wilfried !
C’est exactement des personnes comme toi que je souhaite également toucher à travers ce blog ! Alors à très vite 😉